La réforme des contrats spéciaux : l’avant-projet de réforme et son impact sur les contrats de mandat.
Nous souhaitons attirer votre attention sur la réforme des contrats spéciaux, et notamment celui du mandat, sur laquelle travaille le groupe présidé par le Professeur Philippe Stoffel-Munck.
Pour rappel, ce travail a commencé au printemps 2020 et il a pour objectif d’adapter les dispositions du Code civil, relatives aux contrats spéciaux, aux évolutions de notre temps, ainsi qu’aux évolutions jurisprudentielles. Il s’agit également de parachever la réforme du droit commun des contrats, finalisée en 2016.
Le 11 avril 2023, le groupe de travail du Professeur Philippe Stoffel-Munck a remis son rapport au ministre de la Justice.
La prochaine étape ?
L’élaboration d’un projet de réforme par la DACS à partir de l’avant-projet de réforme et les contributions publiques reçues de la part de fédérations et ordres professionnels, universitaires, avocats, entreprises, associations et notaires.
En ce qui concerne l’avant-projet lui-même, il vise tous les contrats spéciaux, tels que la vente, l’échange, la location, l’entreprise, le prêt, le dépôt et le séquestre ou les contrats dits aléatoires.
Mais les professionnels d’intermédiation bancaire seront particulièrement intéressés par la réforme du contrat de mandat.
Sur ce point, le projet reprend beaucoup de règles actuelles du code civil. Toutefois, il introduit également quelques nouvelles règles importantes et codifie les acquis de la jurisprudence.
Ainsi, selon l’avant-projet, le mandat sera désormais défini comme « un contrat par lequel une personne, le mandant, donne à un autre, le mandataire, le pouvoir de souscrire en son nom et pour son comptes un ou plusieurs actes juridiques. »
Visiblement donc, il ne suffirait plus d’accomplir simplement des actes matériels. Heureusement, ces dispositions du droit commun ne vont, à priori, pas faire obstacle à l’application de règles particulières appelées, à régir certaines matières.
Par ailleurs, le nouvel article 1986 confirme que : « Le mandat se distingue du courtage, consistant à rapprocher des parties pour qu’elles concluent directement un acte juridique. Celui-ci est régi par des lois propres, ou par les règles du contrat d’entreprise. Lorsque le mandataire agit pour le compte du mandant, mais en son nom propre, le contrat prend le nom de commission. Les règles du présent Titre s’appliquent dans les rapports du commissionnaire et du commettant. »
Le mandat doit donc se distinguer de contrat de courtage et/ou de la commission.
Concernant la forme, les nouvelles règles n’en imposent aucune.
Par ailleurs, l’avant-projet autorise expressément l’hypothèse d’exclusivité du mandat. Cette exclusivité peut porter, par exemple, soit sur la personne du mandataire, soit sur le territoire, soit sur la clientèle.
Concernant les nouveautés de l’avant-réforme :
- Les nouvelles dispositions imposent aux mandataires professionnels l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité civile. Cette assurance doit ainsi couvrir les fautes dont le mandataire serait responsable dans l’exercice de sa mission.
- De plus, ces nouvelles dispositions autorisent le mandataire, en l’absence d’instructions du mandant, d’accomplir sa mission selon ce qui lui parait raisonnable. Le mandataire pourra donc prendre, de sa propre initiative, toute décision appropriée au regard de l’urgence, des circonstances et de l’intérêt du mandant.
- Enfin, les dispositions de nouvel article 2009 consacrent la responsabilité du mandant à l’égard des tiers, pour le dol ou de la violence de son mandataire. Autrement dit, le dol du mandataire se répercute sur la mandant.
De son côté, le mandant peut invoquer la nullité de l’acte, en cas de détournement de pouvoir par le mandataire.
Par ailleurs, l’article 2011 offre au juge, dans certaines circonstances, la faculté de réviser les honoraires du mandataire à la hausse ou à la baisse.
Concernant l’extinction du mandat :
Les nouvelles dispositions de l’article 2015 prévoient les nouvelles causes d’extinction d’un tel mandat, à savoir, l’arrivée du terme, en cas du mandat à durée déterminée (un mandat à durée déterminée prendra désormais fin au terme convenu et il ne donnera pas lieu à tacite reconduction, sauf clause contraire) et la renonciation du mandataire au mandant.
De plus, les dispositions de nouvel article 2016 imposent désormais l’obligation aux parties de respecter un préavis en cas d’un mandant conclu à titre onéreux.
Enfin, le nouvel article 2020, après avoir introduit la notion de mandat d’intérêt commun (il s’agit de la situation où le mandataire a créé ou participé de manière significative à la constitution ou au développement d’une richesse commune, notamment la clientèle se rapportant aux activités couvertes par le mandat), confirme l’obligation de sa résiliation par consentement mutuel, sous peine d’une éventuelle responsabilité en cas de révocation unilatérale.
Attention toutefois, à ce stade, il s’agit seulement d’une réforme. Les nouvelles dispositions ne sont donc pas d’application immédiate.
Nous allons cependant suivre avec beaucoup d’attention ses prochaines étapes, car visiblement, cette réforme aura un impact sur la profession d’intermédiation bancaire.